De l’enfant au vivant : et si on élargissait notre cercle d’empathie ?
Il y a une soixantaine d’années, les médecins pratiquaient conformément au savoir médical et à la déontologie de la profession qui considéraient alors le bébé comme un être inachevé, sourd, aveugle et insensible. On ne considérait alors pas qu’il puisse souffrir et par conséquent aucune précaution particulière n’était nécessaire. Depuis, les choses ont nettement changé puisque le bébé est devenu une personne à part entière (Martino, 1985) : il éprouve plaisirs et douleurs, enregistre déjà certaines informations (Rovee-Collier, 1997), s’exprime et présente des compétences qui lui sont propres ; bref, il a droit aujourd’hui à tous les égards d’un être humain.
Découvrir qu’un être que l’on croyait limité ressent, comprend, vit a été un véritable basculement dans nos mentalités. Ce qui semblait « évident » à l’époque — l’insensibilité du bébé — nous paraît aujourd’hui absurde, presque brutal. N’est il pas, plus que temps, d’opérer le même changement de paradigme avec nos amies « les bêtes » ?
Changer de regard sur les animaux
Et si nous étions, aujourd’hui, à l’endroit exact où nos aînés se trouvaient hier avec les bébés? Longtemps, nous avons parlé des animaux en termes d’utilité, d’instinct, de « force à exploiter », de nourriture. Mais, dès qu’on s’arrête, qu’on observe sans filtre, qu’on prend le temps de ressentir, tout vacille: il y a des attachements, des préférences, des peurs, des élans, des manières d’être au monde qui ne sont ni accessoires ni mécaniques.
Histoires qui bousculent
- Le mérou et le plongeur belge — Chaque année depuis vingt ans, dans les eaux des Bahamas, un plongeur retrouve le même mérou. L’animal s’approche, tourne autour de lui, l’accompagne tout au long de sa plongée comme un vieil ami des profondeurs.
- Les raies pastenagues qui se laissent caresser — À certains endroits du globe, des raies reviennent volontairement au contact humain. Elles glissent contre les mains, comme pour rechercher ce toucher qui n’a rien d’hostile.
- La médiation animale — En hôpital ou en maison de retraite, un simple contact avec un chien, un cheval ou un chat ravive parfois un regard, un sourire ou une parole oubliée.
- Le taureau d’Espagne — En pleine rue, prêt à charger, il s’arrête net : face à lui, un vieil homme, l’éleveur qui l’avait nourri lorsqu’il était veau. La violence tombe, un souvenir refait surface.
- Les éléphants et leurs morts — Ils reviennent sur les lieux où un des leurs est tombé, touchent les os, restent immobiles longuement.
- Les corneilles diplomates — Certaines rapportent des « cadeaux » à ceux qui les nourrissent, de petits objets brillants, comme un geste gratuit.
- Le poulpe bricoleur — Il ouvre un bocal, s’en échappe, puis revient… juste pour voir notre réaction.
Ces scènes ne sont pas de simples anecdotes : elles révèlent une richesse émotionnelle et cognitive que nous commençons seulement à comprendre.
Ce que disent les neurosciences et les études en éthologie
Des études montrent que de nombreuses espèces possèdent les structures neurologiques nécessaires à l’expérience de la douleur et du plaisir. Les réponses physiologiques des rats séparés de leur mère, par exemple, sont comparables aux signes de détresse d’un bébé humain. Les moutons se souviennent de visages (humains ou ovins) pendant plus de deux ans et réagissent différemment selon l’expression observée. Les cochons apprennent à éviter un stimulus désagréable en l’associant à un signal sonore, preuve d’une mémoire et d’une anticipation émotionnelle.Les poules comprennent que les objets continuent d’exister même cachés — compétence acquise tardivement chez le jeune enfant. Des babouins et des pigeons assimilent des concepts abstraits comme la similitude ou la différence. Des corvidés utilisent des outils, assemblent des éléments pour atteindre un but, preuve d’une forme de planification.
En 2017, l’INRAE et l’Autorité européenne de sécurité alimentaire ont confirmé que de nombreuses espèces sont conscientes, au sens d’une expérience subjective intégrant mémoire et émotions. Depuis 2015, le Code civil français reconnaît d’ailleurs les animaux comme « êtres vivants doués de sensibilité ».
Et si…
- On passait de « Que puis-je tirer de toi ? » à « Qui es-tu ? »
- On changeait notre langage, nos loisirs, notre consommation, à l’aune de leur impact ? En effet, le langage ouvre ou ferme le champ de l’empathie. Par ailleurs, on peut se demander si notre « plaisir » implique ou pas une contrainte ou une souffrance animale. N’y a t’il pas des alternatives de spectacles qui émerveillent sans asservir ? Pour finir, se rappeler que chaque assiette est une conversation silencieuse avec le vivant.
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On apprenait aux enfants à reconnaître les émotions animales, à prendre soin, à s’émerveiller sans possession ? Si on éduquait « tout simplement » les enfants à l’observation, à l’écoute, à la rencontre, au respect du vivant ?
- On observait, respectait les signaux et besoins de chaque espèce ?
- On soutenait concrètement les refuges, sanctuaires et projets de restauration d’habitats du vivant « sauvage » et libre d’ingérences humaines
En guise de conclusion, j’aimerais ajouter que reconnaître la sensibilité animale est tout sauf un acte anodin : c’est accroître le cercle de notre empathie et agrandir, la conscience de notre humanité au point d’embrasser et d’honorer tout le vivant sur cette terre.
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