Traumatismes simples vs traumatisme complexes : Comprendre les différences

L’impact à long terme et les séquelles psychiques d’événements brutaux et violents sont connus depuis l’Antiquité. Mais c’est à la fin du xixe siècle, à l’occasion des premiers accidents de chemin de fer, puis après les immenses désastres provoqués par les deux guerres mondiales que les « névroses traumatiques » ont commencé à être étudiées.

Les traumatismes font désormais l’objet d’études approfondies en psychologie. Pour bien comprendre leurs implications, il est essentiel de distinguer les traumatismes simples – résultant d’un événement isolé – des traumatismes complexes qui proviennent d’une exposition prolongée ou répétée à des facteurs de stress. Cet article examine ces distinctions et les conséquences cliniques qui en découlent, afin d’aider professionnels, patients et curieux à mieux appréhender ces phénomènes.

Qu’est-ce qu’un traumatisme simple ?

Un traumatisme simple se définit comme la réaction psychologique à un événement ponctuel, soudain et inhabituel. Il peut s’agir d’un accident de la route, d’une agression isolée ou d’une catastrophe naturelle. Ces événements, bien que sévères, se caractérisent par leur caractère limité dans le temps et souvent par une coupure nette entre la vie d’avant et celle du traumatisme. Ce concept rejoint la classification dite de « type I », proposée notamment par Lenore Terr, qui distingue un événement unique entraînant un bouleversement immédiat de l’équilibre psychique. Les personnes ayant vécu un traumatisme simple peuvent développer des symptômes tels qu’un état d’alerte accru, des troubles du sommeil ou une anxiété ponctuelle, généralement dans un cadre temporel bien défini.

Qu’est-ce qu’un traumatisme complexe ?

En revanche, le traumatisme complexe résulte d’une victimisation chronique ou répétée. Si je reprends la définition de Ford et Courtois (2013), Il désigne « des expériences qui :

1) sont interpersonnelles et impliquent souvent la trahison ;

2) sont répétées ou prolongées ;

3) impliquent un tort direct par différentes formes d’abus, de négligence, ou d’abandon des soins, de la protection, ou l’encadrement des victimes par les parents ou membres de la famille, les enseignants, les entraîneurs, ou des conseillers religieux), ou les pertes traumatiques de ces relations ;

4) surviennent à des périodes vulnérables du développement de la vie, comme la petite enfance, ou ébranlent significativement les acquis développementaux à n’importe quel moment de la vie ».

Les traumatismes complexes sont donc un processus de mise à mal durable de l’équilibre psychique d’une personne souvent associé à des abus répétitifs (physiques, émotionnels ou sexuels), de la négligence affective, ou encore de la violence domestique souvent perpétrés par des figures censées les protéger . Judith Herman, figure de proue dans le domaine de la psychotraumatologie, décrit ce type de traumatisme comme celui qui instaure une altération profonde de la régulation émotionnelle, une dissociation et des troubles de l’identité. Ces traumatismes correspondent aussi aux traumatismes dits de « type II » ou « type III » selon d’autres auteurs, impliquant des sévices chroniques dès l’enfance et affectant durablement le système de sens de la personne. Les répercussions de ces expériences sont souvent plus diffuses et complexes, rendant leur traitement thérapeutique particulièrement exigeant.

Symptômes des traumatismes complexes

Les symptômes du traumatisme complexe se caractérisent par une constellation d’indices cliniques qui se déploient sur plusieurs sphères du vivant de la personne. Ces manifestations reflètent non seulement l’impact émotionnel d’un traumatisme répétitif et prolongé, mais aussi la perturbation des mécanismes d’adaptation essentiels à la régulation psychique. Voici les principaux symptômes :

  • Difficultés de régulation émotionnelle : Les personnes affectées éprouvent souvent des émotions intenses et incontrôlables – qu’il s’agisse de colère, de tristesse, de peur ou d’anxiété – qui peuvent surgir de manière imprévisible. Ces fluctuations émotionnelles rendent difficile le passage d’un état de détresse à une stabilité affective, perturbant ainsi leur vie intérieure et leurs réactions dans le quotidien.

  • Troubles dissociatifs : Très fréquents dans le traumatisme complexe, ces troubles se traduisent par des périodes de déconnexion de la réalité. Les individus peuvent éprouver des épisodes de dissociation, comme la sensation d’être détaché de leur corps ou de vivre en mode « auto-pilote ». Cette dissociation peut aussi inclure des pertes de mémoire concernant des aspects de leur vécu traumatique, ce qui complique la construction d’un récit cohérent de leur histoire personnelle.

  • Altération de la perception de soi : Le traumatisme complexe entraîne souvent une érosion profonde de l’estime de soi et une image déformée de soi-même. Les personnes concernées peuvent se sentir indignes d’amour ou de respect, ce qui se manifeste par un sentiment chronique de vide ou de dévalorisation de leur identité. Ce déficit dans la construction d’un « moi » cohérent contribue aux difficultés de repérer et de satisfaire leurs propres besoins émotionnels.

  • Difficultés relationnelles : L’incapacité à établir ou maintenir des relations de confiance est une autre caractéristique importante. Le traumatisme complexe, souvent lié à des abus ou négligences dans des contextes affectifs significatifs, engendre une méfiance généralisée vis-à-vis des autres, voire un isolément social. Ainsi, même lorsque des liens se tissent, ils peuvent être marqués par une crainte de l’intimité ou des conflits relationnels récurrents.

  • Symptômes somatiques : Des manifestations physiques inhabituelles sont également observées. Il peut s’agir de douleurs chroniques inexpliquées, de fatigue constante, de troubles du sommeil ou de problèmes digestifs. Ces symptômes somatiques traduisent souvent une tension émotionnelle qui se manifeste à travers le corps, rendant l’évaluation médicale et psychologique particulièrement complexe.

  • Comportements à risque et auto-destructeurs : Enfin, pour tenter de gérer l’angoisse et le désarroi, certains individus adoptent des stratégies d’adaptation dysfonctionnelles, telles que l’abus de substances (alcool, drogues), les automutilations ou encore des comportements sexuels à risque. Ces conduites représentent une manière de matérialiser et d’exprimer une douleur intérieure difficile à verbaliser.

Il importe de souligner que ces symptômes ne se manifestent pas de manière uniforme chez tous les individus ayant subi des traumatismes complexes. Leur intensité et leur expression dépendent de nombreux facteurs comme la durée et la nature du traumatisme, le réseau de soutien disponible, ainsi que la résilience personnelle. Cette diversité explique pourquoi la prise en charge thérapeutique doit être personnalisée et souvent pluridisciplinaire pour authentiquement répondre aux besoins de chaque patient.

Le traumatisme complexe est à distinguer du trouble de stress post-traumatique (TSPT), bien que des chevauchements importants existent entre ces phénomènes.

Réactions associées au Symptômes de stress post traumatiques

Dans le TSPT, un certain nombre de réactions sont associées à l’événement traumatique :

la reviviscence de l’événement, comme des souvenirs traumatiques

l’évitement des déclencheurs de tels souvenirs

l’émoussement de la réactivité générale ;

les difficultés de régulation affective et neurologique (l’hypervigilance, par exemple)

des expériences de dépersonnalisation et de déréalisation

des altérations dans les cognitions (le blâme de soi persistant, par exemple)

Les travaux de recherche menés depuis plus de 25 ans indiquent que les adultes exposés à de multiples formes de traumatismes pendant l’enfance sont beaucoup plus susceptibles de présenter des dépendances, des troubles mentaux et des problèmes de santé physique. Une méta-analyse récente indique toutefois que la conséquence la plus importante des traumatismes complexes est la violence envers soi et les autres (Hughes et coll., 2017).

 les études portant sur la neurobiologie du traumatisme complexe montrent que les traumatismes interpersonnels répétés favorisent le développement de ce qui a été nommé un « cerveau de survie » caractérisé par la vigilance, l’anticipation, et la protection de menaces éventuelles, plutôt que d’un « cerveau d’apprentissage » orienté vers l’exploration et la découverte (Ford et Courtois, 2013).

Ce mode d’adaptation aux situations sociales, basé sur la vigilance et l’anticipation du danger, peut entraîner chez les personnes traumatisées des réactions d’agressivité lors de situations qui, bien que pouvant être perçues comme anodines par d’autres, constituent des déclencheurs de mémoires traumatiques. Les difficultés de régulation des émotions peuvent également se traduire par des explosions de colère difficiles à expliquer, pour la personne touchée comme pour son entourage . Enfin, l’exposition aux traumatismes a été associée à une plus grande impulsivité, ainsi qu’une plus grande difficulté à contrôler les impulsions. Ces difficultés peuvent être exacerbées par les effets de substances utilisées, souvent dans une visée de soulagement de la détresse et d’apaisement.

Fenêtre de tolérance émotionnelle

La notion de « fenêtre de tolérance émotionnelle » mise de l’avant par Siegel (1999) peut s’avérer utile pour conceptualiser et comprendre la diversité de comportements des personnes ayant vécu des traumatismes face à des éléments déclencheurs. Cette fenêtre de tolérance englobe 3 « zones de régulation des émotions » :

1) la suractivation, caractérisée entre autres par l’hypervigilance, la colère, et les reviviscences traumatiques

2) la zone de tolérance émotionnelle, caractérisée entre autres par une disponibilité cognitive, le contrôle de soi et le bien-être

3) la sous-activation, caractérisée par une anesthésie émotionnelle et sensorielle (sentiment de vide intérieur, détachement de soi et des autres, p. ex.). Chez les personnes ayant un traumatisme complexe, la zone de tolérance émotionnelle se trouverait réduite, amenant des passages fréquents entre des expériences de suractivation et de sous-activation.

Impact sur le fonctionnement quotidien et symptômes

La différence entre traumatismes simples et complexes se manifeste dans la durée et l’intensité des effets sur le quotidien. Dans le cas d’un traumatisme simple, les symptômes – tels que l’anxiété, des troubles du sommeil ou une hypervigilance – tendent à être mieux circonscrits dans le temps. En revanche, les traumatismes complexes engendrent souvent un spectre plus large de symptômes, allant d’un sentiment de désespoir persistant à des troubles relationnels profonds, en passant par des difficultés de régulation des affects et des dissociations. Cette variabilité clinique explique pourquoi le diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) ne suffit pas toujours à décrire la réalité des personnes ayant subi des traumatismes complexes et nécessite l’utilisation de concepts tels que le complexe de stress post-traumatique (C-PTSD).

Implications thérapeutiques et approche clinique

La prise en charge thérapeutique doit s’adapter au type de traumatisme vécu.

  • Pour un traumatisme simple, l’approche thérapeutique est souvent focalisée sur un traitement court, tel que la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC), des techniques appartenant à la psycho énergétique comme l’EMDR ou l’EFT mais aussi l’imagerie mentale au travers de l’hypnose et la sophrologie permettant de retravailler l’événement en ciblant les réactions anxieuses et les flashbacks.

  • En cas de traumatisme complexe, le processus thérapeutique est généralement long et demande une phase préparatoire afin d’instaurer une sécurité affective chez le patient avant de revisiter les souvenirs douloureux. Les approches intègrent souvent des techniques de régulation émotionnelle et une attention particulière à la relation thérapeutique, indispensables pour reconstruire progressivement un sentiment d’identité et de cohérence

Ces approches spécifiques illustrent l’importance d’une évaluation fine du vécu traumatique afin de déterminer la stratégie thérapeutique la mieux adaptée à chaque individu. En raison de la nature chronique et souvent dissociative de ces traumatismes, il n’existe pas de solution miracle. Les approches thérapeutiques les plus efficaces reposent sur une intervention intégrative et personnalisée, visant d’abord à instaurer une stabilité émotionnelle puis à traiter en profondeur les souvenirs traumatiques.

Pour finir sur une note positive, je suis persuadé que même face aux blessures du passé les plus coriaces, il existe toujours un chemin vers la guérison. Si aucun remède universel n’existe, la patience, la persévérance et l’écoute empathique offrent des clés précieuses pour avancer. Les approches intégratives, en mettant l’accent sur la reconnexion à son schéma corporel et l’accueil bienveillant des besoins de son enfant intérieur, permettent de retrouver une stabilité émotionnelle durable.

L’alliance thérapeutique joue un rôle fondamental dans ce processus : elle instaure un espace de confiance où chaque individu peut explorer son vécu en toute sécurité. Par ailleurs, des méthodes éprouvées comme l’EMDR et l’EFT ne se contentent pas d’alléger le poids des souvenirs traumatiques, mais induisent également une dépotentialisation synaptique, favorisant ainsi une réorganisation des circuits neuronaux liés aux traumatismes.

Chaque parcours est unique, mais avec une approche adaptée, une relation thérapeutique solide et une confiance renouvelée, la transformation est toujours à portée de main.

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