Enfance connectée, avenir en danger

En France et ailleurs, la santé mentale des jeunes s’effondre. Entre 2017 et 2021, les troubles dépressifs ont bondi de 36 % dans l’ensemble de la population, et de 80 % chez les 18-24 ans. Chez les adolescents de 17 ans, les idées suicidaires ont frappé 18 % d’entre eux en 2022, contre 11,4 % en 2017. Un tournant inquiétant s’observe dans de nombreux pays depuis le début des années 2010, après une décennie de relative stabilité.

Longtemps, le lien entre les nouvelles technologies et cette détérioration mentale n’était qu’une intuition. Mais des études récentes transforment ce doute en alerte rouge.

Une étude de Cyber Guardians (2024) révèle qu’en Espagne, les troubles mentaux des moins de 20 ans ont été multipliés par quatre entre 1997 et 2021. Cette évolution suit de très près l’expansion aléatoire de l’internet haut débit selon les provinces. Ce déploiement géographiquement irrégulier a permis de démontrer, avec une approche quasi-expérimentale, une corrélation forte et probablement causale.

Autre signal d’alerte : l’étude de Sapien Labs sur 27 696 jeunes adultes montre une relation linéaire entre l’âge d’acquisition du premier smartphone et la santé mentale à l’âge adulte. Plus le smartphone est acquis tardivement, plus l’indice de santé mentale est élevé. Parmi les filles, 74 % présentent des signes de fragilité si elles possèdent un smartphone dès 6 ans. Ce taux chute à 46 % quand l’accès est retardé jusqu’à 18 ans.

Les conséquences sont multiples : isolement social, dépendances, agressivité, pensées suicidaires… Ces effets persistent même lorsque les jeunes ont vécu des traumatismes dans l’enfance. L’âge du premier smartphone s’impose comme un facteur prédictif majeur.

Face à ces constats, une lueur d’espoir : chaque année sans smartphone gagnée pendant l’enfance équivaut à un gain potentiel de bien-être futur, un peu comme une bonne alimentation influence positivement la santé physique.

Mais lutter contre la norme demande de l’effort. Il est crucial de favoriser les échanges entre parents, notamment dans les écoles, pour créer une solidarité éducative et éviter l’isolement des jeunes sans smartphone.